Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/84

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et donne beaucoup. Elle aime à s’établir dans un asile commode, à y subsister paisiblement, à ne s’y montrer qu’à ceux qui la devineront à cause de ce calme, et de la joie pure qu’elle exhalera.

Mais toute fleur ne dure que deux jours et, quelque rapide que soit notre vie, elle admettra, pour ses froides saisons d’autres convenances plus douteuses. Si vous vous êtes senti quelque énergie dans la pensée, vous aurez eu peine à ne pas subir des prospérités fatales. Vous avez cherché avec plus de passion, que de raison le beau et le vrai ; les apparences ne vous trompent plus, et la tristesse est dans votre cœur. Vous entrevoyez un monde heureux, et vous vivez dans un monde abusé. Vous ne pouvez continuer à espérer ; cependant un besoin invincible vous arrache au repos qu’obtiendrait celui qui ne désirerait pas. Un ordre assez exact paraît entraîner ce qui n’a point reçu la vie ; mais chez les espèces dont l’organisation est compliquée, vous apercevrez sans cesse des mouvemens funestes, et même vous retrouverez dans toute la nature soumise à de perpétuels changemens, ces pertes, ce trouble, ces désastres qui vous découragent.

Il est des hommes qui, avant d’entendre les promesses des passions positives, en éprouvent l’agitation, et même l’importunité. Ainsi l’ame s’exerce