Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/86

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ment tout serait-il juste ou raisonnable à nos yeux ? Beaucoup de rapports accidentels se concilient difficilement avec l’ensemble si incomplet que nous imaginons ou que nous connaissons, parce que cet ensemble, faible création de notre esprit, ne donne qu’une idée très-imparfaite de l’universalité des choses.

Que la froide vérité paraît sévère ! Ce que vous auriez voulu exécuter s’établira peut-être, mais vous ne serez plus. Quelques hommes avant vous ont eu sans doute votre manière de sentir ; mais tandis que, dans la retraite, ils s’affligeaient en pensant aux malheurs publics, les peuples qui n’ont rien appris de cette sollicitude, admiraient ou invoquaient les oppresseurs des sages et des peuples.

Depuis quarante siècles connus, les misères succèdent aux misères, et, si les produits peuvent être brillans à quelques égards, les moyens sont tellement hideux que partout on s’attache à les cacher. Le secret des familles, le secret des faubourgs ou des cabanes se compose de simples consolations, interrompant ça et là des maux innombrables. Le fantôme de prospérité devant lequel on s’extasie n’est qu’un nuage que la passion soulève : il sert à couvrir la honte, les larmes, le désespoir.

Vos droits au bonheur ! Avez-vous compté les heureux parmi vos semblables ? avez-vous examiné