Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/87

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les ressorts de la prospérité des empires ? Des droits ! la nature n’exige pas que vous soyez heureux, et, quant à vos contemporains, ils ne sont convenus que d’une chose, que tous en imposeraient le plus possible, en s’efforçant de s’abuser eux-mêmes. Des droits et une règle ! l’incertitude est plus grande ici que dans les premiers hasards : souvent la raison des hommes, ou leurs lois ajoutent des disproportions aux contrastes, et le désordre à l’imprévoyance.

Vos législateurs n’ont pas retranché de l’ordre moral les passions particulières. Sans unir les familles, ils les ont multipliées, ils les ont amassées : en croyant fonder des cités, ils ont seulement bâti des villes, ou sillonné des champs. Pour connaître l’homme, pour découvrir ce qui lui conviendrait le moins imparfaitement, ils ont consulté nos annales, histoire inexacte de deux cents générations. Dans ces mémoires d’un jour, ont-ils prétendu lire tout ce que pourrait entreprendre le genre hnmain ?

Observez les lieux sauvages. Suivez des yeux une feuille emportée au loin, lorsque doit succomber le peuple imperceptible dont elle était l’aliment et la patrie. Regardez ce roc, dont vingt siècles ont commencé la destruction. Tandis que l’activité de l’air le dessèche, des courans d’eau en fatiguent la base, des racines tortueuses travaillent à en ébranler les