Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion des classes, et l’hérédité de chaque profession. Le grand art n’est pas de deviner un des besoins de l’état social, mais de les apercevoir tous, et de les combiner avec justesse. En laissant aux travaux plus de chances, plus de latitude, l’ordre moderne admet pourtant une sorte de vocation, et beaucoup d’entre nous savent à peu près quelle carrière leur semble ouverte. Ainsi éclairée, notre prévoyance influera sur l’habitude de nos organes, sur le cours de nos humeurs, sur les prétendues nécessités de notre imagination, et quelquefois nous saurons nous faire, pour les jouissances de l’ame, des facultés nouvelles, en nous conformant d’avance aux incidens les plus probables.

Ce qui n’est pas essentiellement mauvais aura toujours un côté favorable, qu’il n’appartient pas à tout le monde de saisir, et ne sera vraiment nuisible que si nous nous attachons, pour ainsi dire, à en être contrariés. La plupart des objets renferment et présentent, du moins indirectement, des propriétés opportunes ; l’industrie du bonheur consiste à les mettre en œuvre. Ce sont des instrumens féconds, mais qui échappent quand on ne veut pas en étudier le jeu : nous nous blesserons si nous les manions au hasard. Ils ont mille parties ; mais pour que chacun de nous tire avantage de celles qui méritent cette