Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/98

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Dans l’ordre primitif, nous paraissions susceptibles d’affections moins variées. Dans l’ordre présent nous pouvons adopter un moyen de recevoir presque uniquement des impressions fortes, ou prendre la résolution de choisir toujours, entre celles qui nous sembleront destinées, les plus conformes à nos vrais besoins. De ces deux voies qui restent maintenant, l’une paraît infaillible, sans en être meilleure. L’autre sera moins sûre ; c’est la recherche de la sagesse. Le premier moyen se compose de l’opium, de l’ava, du punch, des substances ou des parfums dont les effets, séduisans d’abord, interrompent ou précipitent, et semblent faciliter, en les troublant de quelque manière, les fatigantes opérations de notre esprit ambitieux.

L’impétuosité du premier degré d’ivresse peut nous ramener, pour un instant, à l’état naturel. En fortifiant les sensations immédiates, en écartant le souvenir ou la prévoyance, cette impulsion, presque subite, doit rappeler les songes du bonheur. Cependant les soins habituels qu’exige le grand art de vivre selon la raison, ces efforts dont, à la vérité, les résultats ne sauraient être aussi rapides, seront préférables, même pour le contentement de chacune de nos journées. Si à tous égards on n’avait à suivre qu’une voie simple, on pourrait ne consi-