Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/99

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dérer que le but présent, parce que les forces générales, les forces inépuisables auront toujours de nouveaux effets. Au contraire, sur les traces ouvertes par la civilisation, ce qu’il faut surtout se proposer, ce n’est pas d’arriver promptement au but, mais d’y rester. Une industrie inconsidérée s’avance à la hâte, et ensuite elle rétrograde : ce retour est l’écueil où elle échouera sans cesse.

Dans les routes de la sagesse, on peut se plaindre de quelque obscurité ; cependant comme on ne s’y est pas promis des clartés trop vives, on n’y trouvera pas de ténèbres épaisses. C’est une lumière sans éblouissement : on se voit presque toujours où on doit être pour persister dans une marche tranquille, mais soutenue. Ceux qui aiment à faire preuve d’agilité se reposeront ensuite malgré eux, et resteront en arrière. Ils ont néanmoins des avantages, entre autres celui de s’égayer assez fréquemment. Ils s’en félicitent trop peut-être. Vous, vous souriez à peine ; mais un jour on distinguera dans leur physionomie des signes d’amertume, tandis qu’une sorte de tristesse, beaucoup moins éloignée de la paix, aura seulement baissé votre paupière.

Quelques dispositions natives, ou l’assujétissement à des occupations toujours réglées, protégent encore plusieurs hommes. Mais ceux que prétend