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M. Wagner est poète-musicien ou musicienpoète à votre goût. Admirateur de la poésie, il ne veut pas la sacrifier à la musique ; admirateur de la musique, il ne veut pas la sacrifier à la poésie. Ce qu’il désire, c’est faire aux deux muses une part égale, un peu à la façon du chimiste qui mélange deux substances dans son creuset. Plus de ces courons, partons, volons, qui ont des boulets de trente-deux à chacune de leurs syllabes. Plus de fastidieux points d’orgue ; plus de caprices sautillants du gosier. Du mouvement, du mouvement, le poème va son train,

Le chanteur monte en croupe et galope avec lui.

Ces conquêtes, M. Wagner les achète quelquefois un peu cher. Cette extrême concision entraine souvent un peu de monotonie, cette musique si concentrée a besoin de l’attention la plus soutenue. Il faut être tout à Wagner. En résumé, ce que je crains pour lui, ce n’est pas la mésestime du public, ce n’est pas le rire, c’est plutôt la fatigue. Pour lui, nous n’avons pas encore le tempérament assez allemand.


Chose singulière, Kreutzer estime que Tristan, Lohengrin, Tannhæuser sont des ouvrages « très difficiles quant à l’expression en elle-même, mais faciles quant à

    L’année précédente, à l’occasion des concerts du Théâtre Ventadour, il avait rempli quatre colonnes de feuilleton pour ne pas parler des œuvres exécutées, tout en accordant que Wagner est « un grand musicien, un grand talent » et même « une individualité ».