Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/86

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PÉRICLÈS.

homme a droit d’aspirer à ce qu’il ne peut obtenir, fût-ce le cœur d’une femme.

Les deux pêcheurs rentrent traînant un filet.
second pêcheur.

À l’aide, maître, à l’aide ! Il y a un poisson empêtré dans le filet, comme le droit d’un pauvre homme dans la loi : il y aura peine à l’en tirer… Ha ! diantre !… le voici hors, enfin, et il se trouve changé en une armure rouillée.

périclès.

— Une armure, amis ! Je vous prie, laissez-la-moi voir. — Je te remercie, fortune, après toutes mes traverses, — de me donner de quoi refaire figure… — Mais c’est bien la mienne ! cette armure fait partie de mon héritage ! — C’est bien celle que feu mon père m’a léguée, — au moment de mourir, avec cette stricte recommandation : — « Garde-la, mon Périclès, elle a été une égide — entre moi et la mort. » Puis, me montrant ce brassard : — « Il m’a sauvé, garde-le ; en semblable nécessité, — dont puissent les dieux te préserver ! il pourra te défendre. » — Cette armure ne m’avait jamais quitté, tant j’y suis attaché ; — il a fallu que la rude mer, qui n’épargne personne, — me l’arrachât dans sa rage ; mais, devenue plus calme, elle me la rend. — Merci ; mon naufrage n’est plus si désastreux, — puisque je retrouve ici le don légué par mon père.

premier pêcheur.

Que voulez-vous dire, monsieur ?

périclès.

— Je vous demande, mes amis, cette noble cotte d’armes, — qui a jadis appartenu à un roi ; — je la reconnais à cette marque. Ce roi m’aimait tendrement, — et, pour l’amour de lui, je désire l’avoir. — Vous voudrez bien ensuite me conduire à la cour de votre souverain, — où, avec cette ar-