Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/112

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d’hui : la maladie de ce jeune Fidèle me faisait paraître mon chemin long.

GUIDERIUS. — Je lui ai coupé la tête avec sa propre épée qu’il dirigeait contre mon cou : je vais la jeter dans la crique qui est derrière le rocher ; qu’elle aille à la mer, et dise aux poissons qu’il est Cloten, le fils de la reine : voilà comment je m’en soucie. (Il sort.)

BELARIUS. — Je crains que cela ne soit vengé : plût au ciel que lu ne l’eusses pas fait, Polydore, quoique la valeur t’aille bien.

ARVIRAGUS. — Plût au ciel que je l’eusse fait, et que la vengeance me poursuivît seul ! — Polydore, je t’aime comme un frère ; mais je te porte grande envie pour m’avoir frustré de cette action : je voudrais que toutes les vengeances avec lesquelles la force humaine peut se mesurer vinssent nous trouver et nous missent à l’épreuve.

BELARIUS. — Bien, c’est chose faite : — nous ne chasserons pas davantage aujourd’hui, et nous n’irons pas chercher le danger là où il n’y a pas profit. Je t’en prie, à notre rocher : faites les cuisiniers, toi et Fidèle ; j’attendrai que le trop bouillant Polydore soit revenu, et je l’amènerai dîner immédiatement.

ARVIRAGUS. — Pauvre Fidèle malade ! je vais le rejoindre de bien bon cœur : pour rendre la couleur à ses joues, je ferais saigner toute une paroisse de Clotens comme-celui-là, et je me louerais pour ma charité. (Il sort.)

BELARIUS. — Ô toi, Déesse, divine Nature, comme tu fais apparaître ton blason dans ces deux enfants princiers ! Ils sont aussi doux que les zéphyrs qui courbent la violette sans agiter sa tête odorante, et cependant, dès que leur sang royal bouillonne, aussi violents que le plus irrésistible des vents qui, saisissant par la cime le pin de la montagne, le force à s’incliner jusque dans la -vallée. Il est merveilleux de voir comment un obscur instinct, leur a fait trouver cette royauté sans étude, cet honneur sans leçons, cette politesse sans imitation d’autrui, cette valeur qui pousse d’elle-même en eux, mais y porte une moisson comme si elle y avait été semée ! — Il est ce-