Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/113

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pendant bien inquiétant de savoir ce que nous présageait la présence de Cloten en ces lieux, ou ce que nous amènera sa mort.

Rentre GUIDERIUS.

GUIDERIUS. — Où est mon frère ? J’ai envoyé dans le courant la sotte caboche de Cloten en ambassade à sa mère ; je garde son corps pour otage jusqu’à son retour. (Musique solennelle.)

BFXARIUS. — Mon instrument d’inspiration (a) ! Écoute, Polydore, il résonne ! mais à quel propos Cadwal le fait-il retentir à cette heure ? Ecoutons !

GUIDERIUS. — Est-ce qu’il est au logis ?

BELAKIUS. — Il vient d’y rentrer. À l’instant même.

GUIDERIUS. — A quel propos fait-il cela ? Depuis la mort de ma très-chère mère, cet instrument n’avait pas parlé. Toutes les choses solennelles devraient correspondre à des accidents solennels. Quel en est le sujet ? des triomphes pour rien, et des lamentations pour des bagatelles, sont joies de singes et chagrins d’enfants. Est-ce que Cadwal est fou ?

BELARIUS. — Regarde, le voici qui vient et qui nous apporte entre ses bras la cruelle explication de cette musique que nous blâmions !

Rentre ARVIRAGUS, portant dans ses bras IMOGÈNE, qui parait comme morte.

ARVIRAGUS. — Il est mort, l’oiseau que nous aimions tant. J’aurais mieux aimé passer, d’un coup de mes seize ans à soixante, échanger mon âge alerte contre l’âge de la béquille, que d’avoir vu cela.

GUIDERIUS. — Ô lys très-beau et très-pur ! porté entre

(a) My ingenions instrument. Ingenions, habile, élevé, noble, d’art, de savoir. Ces deux mots pourraient donc se traduire fort exactement par mon instrument de musique, mais il est probable qu’ils expriment une nuance de pensée de plus, et que Belarius veut caractériser par cette épithète d’ingenious, son aide d’inspiration, l’auxiliaire de ses rêveries, l’instrument qui les stimule, les berce et les accompagne.