Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/140

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Entrent CORNELIUS et DES DAMES.

CYMBELINE. — Voici des visages qui ont l’air affairé. — Pourquoi saluez-vous notre victoire avec des mines aussi tristes ? On vous dirait des Romains et non des gens de la cour de Bretagne.

CORNÉLIUS. — Salut, grand roi ! Je suis obligé de mêler l’amertume à votre bonheur en vous apprenant que la reine est morte.

CYMBELINE. — À qui un pareil message peut-il convenir plus mal qu’à un médecin ? Cependant je considère que si la vie peut être prolongée par la médecine, la mort se saisira cependant aussi du docteur, — Comment a-t-elle fini ?

CORNÉLIUS. — Par l’horreur, par une agonie furieuse comme sa vie qui, après avoir été cruelle au monde, a conclu par être cruelle surtout contre elle-même. Si tel est votre bon plaisir, je vous rapporterai ce qu’elle a confessé : ses femmes qui, les joues mouillées de larmes, étaient présentes lorsqu’elle mourut, peuvent me relever d’erreur, si je mens.

CYMBELINE. — Parle, je t’en prie.

CORNÉLIUS. — D’abord, elle a confessé qu’elle ne vous a jamais aimé ; que ce qu’elle chérissait c’était non pas vous, mais la grandeur conférée par vous ; qu’elle s’était mariée à votre monarchie, était l’épouse de votre trône, mais abhorrait votre personne.

CYMBELINE. — Elle seule savait cela, et si elle ne l’avait pas déclaré en mourant, je n’en aurais pas cru l’aveu de ses lèvres. Continue.

CORNÉLIUS. — Votre fille qu’elle faisait semblant de si sincèrement aimer, elle a confessé qu’elle était pour elle un scorpion, et qu’elle l’aurait tuée par le poison que je lui avais donné, si celle-ci n’avait pas prévenu sa mort par la fuite.

CYMBELINE. — Ô très-subtil démon ! Qui pourrait pénétrer une femme ? — Y a-t-il encore autre chose ?

CORNÉLIUS. — Oui, Sire, et de pires choses. Elle a con-