Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/166

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VÉNUS ET ADONIS 1

À l’instant même où le soleil au visage empourpré venait de prendre son dernier congé del’Aurore en’pleurs, Adonis aux joues de rose courait aux plaisirs de la chasse : chasser était son amour ; mais quant à l’amour, il en riait avec mépris. Vénus atteinte au fond de l’âme va droit à lui, et telle qu’un amant sans vergogne, lui fait d’emblée la cour.

K Toi qui es trois fois plus beau que moi, — ainsi débute-t-elle,

— première des fleurs de la campagne, suave au delà de toute comparaison ; toi qui fais paraître laides toutes les nymphes, qui es plus charmant qu’un homme, plus blanc et plus vermeil que ne le sont les colombes et les roses, la nature qui t’a créé, se contredisant elle-même, dit qu’avec ta vie le monde expirera.

1. Shakespeare s’est chargé de nous apprendre lui-même par cette expression de sa dédicace au comte de Southampton — « le premier^né de mon imagination, » — que ce poème de Venus et Adonis doit être tenu comme la première en date de toutes ses productions. La première édition, publiée en -1593, fut suivie promptement de quatre autres qui se succédèrent entre l’année 1594 et l’année -KS02. Cette multiplicité d’éditions dit assez quel fut le succès de ce ppè’me auprès des contemporains qui marchandèrent souvent leurs louanges au grand poè’te dramatique, mais qui les accordèrent avec une libéralité sans réserve à l’auteur des précieuses mignardises de > ?’énus et Adonis et des peintures alainhïquees de Lucrèce.