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folles et joyeuses filles de l’ouest dont les langues quoique toujours résonnantes comme des battants de cloches ont cependant de doux contes dont veus serez fort contents. » M. Staunton signale ce vieux récit à litre de simple curiosité ; nous avons eu l’heureuse fortune de le trouver dans le recueil des observations supplémentaires de Malone, et il nous a paru, au contraire, d’une importance extrême. Il ne reste plus qu’un seul exemplaire de cet ouvrage, et l’édition à laquelle il appartient est de 1620, c’est-à-dire postérieure de quatre années à la mort de Shakespeare ; mais Malone nous apprend, dans ses Observations supplémentaires, que cette édition de 1620 n’était que la seconde, et que la première avait été publiée en 1603. Si cela est, qu’est-ce qui empêche que Shakespeare ait lu ce recueil ? et il l’a lu, car il s’est servi de certains des incidents du conte mentionné pour corriger le récit de Boccace. La ressemblance de certains épisodes est telle entre le drame et le conte anglais, que nous voulons donner une analyse détaillée de ce document curieux, que nous sommes le premier, creryons-nous, à signaler en France, et que les critiques anglais n’ont pas apprécié à sa véritable valeur. Commençons par la nouvelle de Boccace, et voyons les transformations que Shakespeare lui a fait subir, lesquels de ses épisodes il a rejetés et lesquels adoptés.

La nouvelle de Boccace ne raconte pas autre chose qu’une farce criminelle d’un facétieux commis voyageur du moyen âge, espèce de Don Juan de table d’hôte, gâté par les complaisances des filles d’auberge. Des marchands italiens réunis à Paris pour leurs affaires, causent joyeusement après souper, et de propos en propos, la conversation vient à tomber sur les femmes. Leur manière de penser sur la vertu féminine est peu idéale et chevaleresque, il en faut convenir ; tous, sauf un seul, professent, à cet égard, cette philosophie sceptique que Boccace lui-mêmej dans l’histoire d’Alaciel, la fiancée du roi de Garbe, a merveil-