Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/18

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AVERTISSEMENT

leusement résumée dans cette espèce de proverbe : « Bocca bacciata non perde ventura, anzi rinnuova come fa la luna. » Tous accordent volontiers qu’il est assez probable qu’ils sont trompés par leurs femmes, qu’ils ont laissées au logis. « Je ne sais pas ce que fait ma femme, dit l’un d’eux, mais je sais bien que lorsqu’il me tombe entre les mains une fillette qui me plaît, je mets de côté l’amour que je porte à ma femme, et je prends avec cette autre autant de plaisir que je peux. » « Et c’est aussi ce que je fais, répond un second ; et c’est pourquoi je crois bien que si ma femme trouve une occasion, elle en fait autant de son côté. » La foi parfaite est représentée, pourtant, au milieu de ce synode de sceptiques par un riche marchand de Gênes, nommé Bernabo Lomellin. Sa confiance en la vertu de sa femme est aussi grande que son admiration pour ses talents variés, qu’il détaille avec complaisance. Un jeune marchand de Plaisance, Ambrogiuolo, piqué au vif par cet orgueil conjugal, se refuser à croire que Bernabo Lomellin ait le privilège de constituer une exception dans l’ordre des maris, et lui demande si ledit privilège lui aurait été, par hasard, conféré par l’empereur. Bernabo, s’enflant de plus en plus, répond qu’il le tient de quelqu’un plus puissant que l’empereur, car c’est Dieu lui-même qui lui a fait ! cette grâce. Là-dessus, le jeune Ambrogiuolo riposté par une petite dissertation de philosophie sceptico-matérialiste à l’italienne, assez grossière sans doute, mais donton ne peut dire qu’elle manque de logique et de bon sens. Diea a créé l’homme plus fort que la femme, plus constant, plus courageux ; or, nous voyons que l’homme ne peu’résister non-seulement à la femme qui le provoque, mais au désir qui le porte vers celle qui lui plaît ; que direalois de la femme, beaucoup plus faible, beaucoup plus timide, beaucoup plus changeante ? La femme de Lomellin est de chair et d’os comme les autres, par conséquent soumise aux mêmes désirs ; et si nous voyons que les-