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AVERTISSEMENT

Le mari donne à un valet de confiance, nommé Georges, l’ordre de tuer sa maîtresse, puis il va rejoindre l’armée du roi Henri VI, pour défendre les droits des Lancastre contre les York. Ici se place le plus considérable des emprunts que Shakespeare a fait au vieux conteur. La scène entre Georges et sa maîtresse est la matière première de la scène entre Pisanio et Imogène. Pas plus qu’Imogène, la femme calomniée ne plaide pour sa vie ; mais avec une véhémence passionnée composée à demi de désespoir, à demi de cette frénésie de chasteté qui fut propre à la barbarie germanique, elle présente sa gorge au couteau. « Se peut-il donc, dit-elle, que ma tendresse et mon aimante obéissance ne me méritent pas d’autre récompense de sa part que la mort ? Cela ne peut être. Je sais que tu veux seulement éprouver avec quelle patience je pourrai supporter un ordre aussi injuste. Jeté le jure ici, par ce corps étendu à terre et par ces mains levées au ciel, je ne cesserais de prier pour sa conservation ; ce seraient là mes pires paroles, car le visage terrible de la mort semble aimable pour l’âme qui est innocente. — Eh bien ! alors, préparez-vous, dit Georges, car, par le ciel ! je ne plaisante pas. » — Alors, elle le pria d’arrêter un peu, et dit : « En est-il donc ainsi ? Eh bien ! en ce cas, pourquoi désirerais-je vivre, puisque j’ai perdu — et cela sans commettre offense — la faveur de celui que j’aimais si tendrement, et dont la vue faisait tout mon bonheur. Allons, tue-moi. Cependant, Georges, sois assez bon pour me faire la grâce de me recommander à lui par ces quelques mots. Dis-lui que j’embrasse volontiers la mort, car je lui devais ma vie (cependant pas autrement que par mon obéissance d’épouse) depuis le jour où je le nommai mon mari ; mais que je nie absolument être coupable envers lui de la moindre faute, et qu’à cette heure de ma mort, je désire que le ciel fasse tomber sa vengeance sur moi, si je l’ai jamais offensé en pensée. Supplie-le de ne pas