Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/27

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prononcer sur moi de mauvaises paroles, lorsque je serai morte, ; car, en bonne vérité, je n’en ai mérité aucune. Je prie que le ciel le bénisse ; je suis prête maintenant, frappe droit au cœur, et mets fin à la fois à ma vie et à mes douleurs. » Le lecteur n’aura aucune peine à reconnaître dans ce passage le ton et les paroles mêmes d’Imogène.

Georges, touché de compassion comme Pisanio, épargne la jeune femme, et lui conseille de se cacher sous un déguisement jusqu’à ce que la vérité soit connue. L’infortunée vit pendant quelque, temps avec le prix de ses bijoux, mais il vient un jour où cette ressource lui fait défaut, et comme elle ne peut trouver nulle part, à s’employer, à cause des troubles civils, elle prend la résolution de se laisser mourir de faim plutôt que de mendier. Elle cherche un coin solitaire, près d’York, et là, vit de racines et d’herbes crues pendant deux jours. En ce moment critique, passe le roi Édouard IV, revenant de France pour reprendre la guerre civile ; il aperçoit la jeune femme presque morte de faim, s’intéresse à son sort, et l’admet au nombre de ses pages. Elle assiste, en cette qualité à la bataille de Barnet. Son mari servait dans les troupes du roi, Henri VI, et, la bataille finie, elle parcourt le champ de carnagepour voir si elle ne le trouvera pas parmi les morts. Elle ne le trouva pas, car il était au nombre des prisonniers, comme elle l’apprit bientôt ; mais elle fit, en revanche, une trouvaille non moins précieuse, celle de son faux, séducteur, laissé pour mort, et qui n’était qu’évanoui. Or quelle n’est pas sa surprise, lorsqu’elle reconnaît à son cou la petite croix d’or qu’elle avait perdue ! Elle enlève dextrement le bijou, fait transporter le blessé dans une hôtellerie, et puis lorsque celui-ci a repris connaissance, elle lui présente la croix d’or, et s’offre à la Jui rendre ; mais il refuse assez noblement, il en faut convenir, en dévoilant à demi que ce bijou se rattache pour lui à un souvenir de honte. Alors la femme a recours au