Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CORNÉLIUS. — Par cette pratique, Votre Altesse ne fera que s’endurcir le cœur : en outre, l’opération de ces effets sera à la fois bruyante et infecte.

LA REINE. — Oh ! ne t’inquiète pas. (À part.) Voici venir un grédin de flatteur ; j’essayerai d’abord ces poisons sur lui : car il tient pour son maître, et il est ennemi démon fils.

Entre PISANIO.

LA REINE. — Eh bien, qu’y a-t-il, Pisanio ? Docteur, votre service pour l’heure est terminé ; vous pouvez aller à vos affaires.

CORNÉLIUS, à part. — Je vous soupçonne, Madame ; mais vous ne ferez aucun mal.

LA REINE, à Pisanio. — Écoute, un mot.

CORNÉLIUS, à part. — Je me défie d’elle. Elle s’imagine qu’elle tient en sa possession des poisons d’une lenteur étrange : je connais son âme, et je ne voudrais pas confier à une personne aussi méchante une drogue d’une aussi infernale nature. Celles qu’elle a entre les mains stupéfieront et engourdiront les sens pour un temps ; peut-être les essayera-t-elle d’abord sur des chats étales chiens, et puis ensuite sur des créatures d’un ordre plus élevé ; mais il n’y a aucun danger dans la mort apparente, qu’elles amènent, et leur effet consiste tout simplement à mettre sous clef les esprits vitaux pendant un temps, pour qu’ils se redressent plus frais, quand ils se réveillent. Elle s’abuse en comptant sur un résultat qui se trouvera faux, et moi je n’en suis que plus loyal en étant ainsi déloyal avec elle.

LA REINE. — Je n’ai plus besoin de ton service, docteur, jusqu’à ce que je te fasse appeler de nouveau.

CORNÉLIUS. — Je prends humblement mon congé. (Il sort.)

LA REINE. — Elle pleure encore, dis-tu ? Ne penses-ta pas qu’avec le temps, elle séchera ; ses larmes, et laissera les conseils entrer dans son âme qu’aujourd’hui la folie possède toute entière ? Travaille à ce résultat : lorsque