Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/54

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tu m’apporteras avis qu’elle aime mon fils, je te répondrai sur-le-champ que tu es désormais aussi grand que ton maître : plus grand même, car sa fortune est à cette heure complètement muette, et sa renommée est à l’agonie ; il ne peut ni revenir, ni continuer à rester où il est : changer de mode d’existence n’est pour lui qu’échanger une misère contre une autre ; et chaque jour qui se lève, se lève pour accomplir sur lui une journée de destruction. Qu’as-tu à attendre, en t’appuyant sur un individu qui penche, qui ne peut pas être relevé à nouveau, et qui n’a pas même assez d’amis pour lui servir d’élais ? (La Reine laisse tomber la boite : Pisanio la ramasse.) Tu ramasses quelque chose que tu ne connais pas ; mais prends cela pour, ta peine : c’est un remède que j’ai composé, et qui cinq fois a racheté le.roi.de la mort ; je ne connais pas de cordial pareil : — voyons, je t’en prie, prends-le, ce sera le gage du bien futur que je te destine. Montré à ta maîtresse dans quelle situation elle est placée, fais cela comme venant de toi-même. Songe quel changement d’avenir cela sera pour toi ; — songe aussi que tu conserves ta maîtresse, — et en outre mon fils prendra bonne note de toi : je pousserai le roi à. te donner n’importe quel avancement qu’il te plaira, et puis moi-même, moi surtout, qui t’aurai poussé à cette œuvre méritoire, je suis engagée à récompenser dignement tes services. Appelle mes femmes : pense à mes paroles. (Sort Pisanio.) Un drôle matois et constant qu’on ne peut ébranler ; c’est l’agent de son -maître, l’homme qui le rappelle à son souvenir pour qu’elle tienne ferme en faveur de son époux. Je lui ai donné une chose qui, s’il la prend, séparera Imogène de tout serviteur dévoué à son bien-aimé ; et quant à elle, si dans la suite elle ne change pas d’humeur, elle est bien sûre d’en tâter aussi.

Rentre PISANIO avec LES DAMES.

LA REINE. — Là, là ; bien travaillé, bien travaillé ; portez à mon cabinet les violettes, les primevères et les