Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/85

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SCÈNE III.

Le pays de GALLES. — Une contrée montagneuse.
Sortent d’une grotte, BELARIUS, ARVIRAGUS et GUIDERIUS.

BELARIUS. — Voilà un jour superbe, un jour à ne pas garder la maison, pour des gens dont le toit est aussi bas que le nôtre ! Baissez-vous, enfants : cette porte vous apprend comment vous devez adorer le ciel, et vous courber pour une pieuse prière du matin : les portes des monarques ont des arches si hautes, que les géants aux allures fanfaronnes peuvent les traverser, en gardant leurs turbans impies sur leurs têtes, sans adresser le bonjour au soleil. — Salut, beau ciel ! Nous habitons dans le roc, et cependant nous n’avons pas pour toi un cœur aussi fermé que les hommes qui mènent une vie plus pompeuse.

GUIDERIUS. — Ciel, salut !

ARVIRAGUS. — Ciel, salut !

BELARIUS. — Maintenant à notre chasse dans les montagnes : escaladez-moi cette colline là-bas, vos jambes sont jeunes ; moi je battrai ces plaines. Lorsque d’en haut vous m’apercevrez de la taille d’un corbeau, considérez que c’est la place qui amoindrit ou qui met en pleine évidence ; alors vous pourrez ruminer tous les récits que je vous ai faits sur les cours, les princes, les intrigues de la guerre : là le "service rendu n’est pas un service parce qu’il est exécuté, mais parce qu’il est accepté pour tel : en comparant dé la sorte, nous tirons un profit de toutes les choses que nous voyons, et souvent, nous découvrons, à notre grande consolation, que l’escarbot avec ses ailes dans son étui est plus en sécurité que l’aigle à la vaste envergure. Oh ! cette vie est plus noble que celle qui se résigne aux échecs, plus riche que celle qui tire son oisiveté d’un salaire de corruption, plus fière que