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DE PERCY BYSSHE SHELLEY

vertu pour refuser son concours aux massacreurs.

Les vices des moines et des religieuses dans leurs couvents étaient affreux, en ces temps-là. L’on croyait pouvoir commettre n’importe quel crime, si monstrueux qu’il fût, quand on avait assez d’argent pour décider les prêtres à donner leur absolution. En vérité, à cette époque, les prêtres en imposaient honteusement au peuple ; ils avaient concentré toute la puissance entre leurs mains, ils persuadaient au peuple qu’on ne pouvait laisser à un homme le soin de diriger son âme, et arrivant sournoisement à en posséder les secrets, ils se rendaient plus puissants que rois, princes, seigneurs et ministres. Cette puissance fit d’eux de malhonnêtes gens, car bien que les êtres doués de raison furent très bons dans l’état de nature, il y a aujourd’hui, il y eut jadis bien peu de gens dont le pouvoir despotique n’arrive à détruire les bonnes dispositions.

Je viens vous décrire fidèlement votre religion telle qu’elle a été, ô Irlandais, mes frères. Traiterez-vous votre ami de menteur, s’il prend sur lui de dire en votre nom que vous n’êtes plus ce qu’étaient jadis les croyants de votre religion ? Parlerai-je un langage faux en disant que l’Inquisition est pour vous un objet de haine ? Suis-je un menteur, quand je soutiens qu’un Irlandais adore la liberté, qu’il peut conserver ce droit, et que s’il commet une faute, il ne songe pas même en rêve, que de l’argent donné à un prêtre, que les propos d’un autre homme faillible comme lui, avaient la moindre influence sur les jugements d’un Dieu éternel ?