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Le Conte de l’Archer.

amies qui vous dise le contraire, amenez-la-moi, je vous prie, que je la confonde sur-le-champ. Tout ce que j’entends dire c’est que frère Étienne, pour quelque raison qu’il aimât Tristan à ce point, avait raison de sacrifier son repos et sa tranquille existence à cette tendresse, parce qu’il n’est de bonheur que dans le dévouement et dans l’oubli de soi-même. Vous voyez que ma morale n’est ni si basse ni si vile que sembliez le dire.

Encore une fois, revenons à nos voyageurs.

Comme l’avait annoncé le capitaine, en même temps que le chant du coq dans les basses-cours avait sonné le bruit aigre de la trompette, et l’Aurore, qu’avait attirée sur le bord du ciel la voix de Chanteclair, faillit remettre son pied rose dans son lit, lequel est, comme vous le savez, derrière l’horizon, en entendant le clairon. Car cette calme déesse ne se plaît pas aux tumultueuses clameurs des hommes. Aussi la voyez-vous rarement descendre dans les villes, tandis qu’elle apparaît radieuse aux champs et qu’elle pleure d’attendrissement dans le cœur ouvert des roses, saluée par le bourdonnement des insectes et par le balancement des feuillages, par le murmure d’argent des sources et par le réveil harmonieux des oiseaux. Et quand vous la voudrez contempler dans sa robe de