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Chroniques du Temps passé.

dentelle brodée par les araignées matinales, et couronnée de diamants par la rosée, fuyez les cités abjectes où le jour ne se hasarde que par lambeaux déchirés aux toits, et venez avec moi dans quelque beau paysage dont le ruban bleu d’une rivière relie les verdures comme un bouquet, où dans la buée d’or de l’orient monte la vapeur azurée des collines lointaines, à moins que vous ne préfériez quelque plage dont le sable chante aux premiers rayons du soleil, comme la statue antique de Memnon. Car il n’est de plus belles aurores que celles qui se lèvent sur la mer et semblent monter de l’écume des vagues, comme le fantôme immortel de Vénus.

Ce jour-là, bien que révoltée de la vilaine musique qu’un affreux diable soufflait dans une corne de cuivre, la portière du ciel, comme l’appelle le divin Homère, consentit à faire son office. Et ce fut un branle-bas terrible dans la grange où dormait, un instant auparavant, la compagnie dans laquelle frère Étienne et Tristan avaient été si bizarrement incorporés la nuit précédente. Le pauvre Tristan qui, lui, avait rêvé toute la nuit à Isabeau, ayant longuement pressé sur ses lèvres la fleur de coquelicot qu’elle lui avait donnée et qui n’était pas encore flétrie,