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Chroniques du Temps passé.

— On n’est jamais certain de combattre, avait-il pensé judicieusement, mais on est toujours sûr d’avoir soif.

Et sur les parties de la croupe du mulet que ne couvrait pas sa belligérante charge, il avait soigneusement ficelé ce bagage précieux.

Un beau soleil levant baignait la campagne d’une vapeur d’or clair que traversaient le vol affolé des martinets et la chanson des mille bêtes saluant le retour de l’aurore. On entendait des effarements d’oiseaux dans les branchages, et les poissons se détendaient, comme des arcs d’argent, pour sauter à la surface des eaux. Les roseaux se penchaient sous l’aile des brises matinales avec un murmure doux, secouant à leur cime les libellules azurées.

Mais toutes ces joies de la nature renaissante, suivant l’admirable et éternelle loi des réveils, n’étaient pas faites pour émouvoir les grossiers compagnons du pauvre Tristan et de frère Étienne. Ceux-ci, achevant de cuver le vin de la veille, chantaient d’obscènes refrains que scandait le rythmique cliquetis de leurs armes balancées par l’uniformité de leur marche. Cœur-de-Cuir marchait en avant et ne perdait pas une occasion de faucher du bout de sa baguette les têtes im-