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Chroniques du Temps passé.

de sa benoîte épouse, aussi empressée, aussi plate dans ses louanges, aussi servile dans ses offices et aussi inutile d’ailleurs en ses effets, que celle dont la vieille dame Marie d’Anjou était entourée.

Guillaume recevait tous ces hommages intéressés en homme qui sent bien qu’ils s’adressent avant tout à son propre mérite. Quand un voisin lui demandait quelque nouvelle :

— Nous venons de battre encore ce méchant duc Charles, répondait-il à demi-voix en se frottant les mains.

— Et vous avez eu grand mal ?

— Nous avons perdu une vingtaine d’hommes au plus, et nous lui en avons tué plus de cent.

— Souffrez que je vous félicite.

— J’accepte de grand cœur vos congratulations.

Et il avait si bien fini par s’imaginer qu’il était lui-même à la guerre, en la personne de son fils, qu’il en contait les moindres détails et se laissait tomber de fatigue dans son large fauteuil après avoir achevé le récit de quelque victoire chèrement disputée, s’essuyant le front du revers de sa manche, à moins qu’il ne se tâtât anxieusement la poitrine comme pour s’assurer qu’il n’avait pas reçu quelque mauvais coup. En quoi il démontrait que ce ne sont pas seulement les gens de la Pro-