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Chroniques du Temps passé.

Isabeau se contentait de hausser imperceptiblement ses petites épaules blanches quand il tenait devant elle ces ridicules propos.

Or, il advint qu’un jour, quelques heures à peine avant la tombée de la nuit et l’horizon se teignant déjà des rouges blessures du soleil, un homme vêtu de haillons sordides, ne portant plus à ses pieds las que des bandelettes déchirées, s’en vint frapper à la porte de maître Guillaume le tanneur.

— Hors d’ici, l’ami ! lui cria celui-ci en le regardant de la fenêtre. Je n’aime pas les mendiants. Vous feriez bien mieux d’aller vous battre pour le Roi que de venir déranger ceux qui le servent par vos jérémiades.

— Hélas ! répondit le malheureux, je ne l’ai que trop servi, ayant reçu tant de coups à la dernière campagne que je ne puis plus, tous mes membres étant brisés, soulever une lance ni ajuster une arbalète.

Et il tirait de dessous son manteau étoilé de noir par la misère son bras droit dont le poignet oscillait comme un balancier et sa jambe gauche si fort disloquée qu’elle semblait porter le genou par derrière.

— Allons ! je suis content de toi, camarade,