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Chroniques du Temps passé.

échappes ainsi à plus d’ennuis que tu n’en peux croire, dont le premier et le plus grand est certainement de n’être plus son maître. Car, pour ce qui est d’être cornard, je crois que bien des gens se font trop grand’peur de cette commune éventualité qui me semble une des moindres misères de la vie conjugale.

D’abord beaucoup ne se doutent guère qu’ils sont de la docte confrérie et continuent de se coiffer comme auparavant, sans s’apercevoir qu’ils font des trous à leurs chapeaux ; ceux-là n’en aiment que davantage leurs femmes qui, pour leur mieux cacher leur état, les comblent de mille prévenances et gentillesses, les appelant deci, delà : mon petit bedon, mon cœur de rose, mon mignon, ma chatte blanche, et je ne sais quoi encore, ce dont ils sont infiniment flattés, parce qu’il paraît que les noms les plus bêtes sont ceux qui expriment le plus d’amour.

Pour ceux qui le savent et en prennent bravement leur parti, le cas est encore préférable. Car ils sont à jamais maîtres chez eux et non plus dominés par leur infidèle épouse, la pouvant à toute heure humilier et châtier de sa félonie, à la grande approbation de tous leurs amis et voisins. Et aussi eux-mêmes peuvent-ils en prendre à leur