Page:Sima qian chavannes memoires historiques v3.djvu/264

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Ciel peut faire cela, c’est que les rites exercent leur action.

La grande musique produit la même harmonie que le Ciel et la Terre, les grands rites produisent la même règle que le Ciel et la Terre[1]. Par l’harmonie, les divers êtres ne perdent pas (leur nature propre) ; par la règle, on fait les sacrifices au Ciel et ceux à la Terre[2]. Dans le domaine des choses visibles, il y a les rites et la musique ; dans le domaine des choses invisibles, il y a les mânes et les dieux[3] ; quand il en est ainsi, alors, à l’intérieur des quatre mers, il y a le respect mutuel et l’amour universel.

Les rites sont différents suivant les occasions, mais concourent tous au respect ; les musiques sont distinctes par leurs genres de beauté mais concourent toutes à l’affection. Les rites et les musiques sont donc dans leur essence identiques à eux-mêmes. C’est pourquoi les rois illustres se les sont transmis les uns aux autres et c’est pourquoi (d’autre part) les faits se sont conformés aux époques et les noms ont été d’accord avec les mérites[4].

  1. Suivant les idées du dualisme chinois primitif, le Ciel et la Terre sont les deux principes dont l’harmonie fait exister les êtres et dont les rapports mutuels créent chez les êtres une hiérarchie naturelle. La musique et les rites ont donc une action analogue à celle du Ciel et de la Terre.
  2. Les sacrifices au Ciel et à la Terre sont cités ici comme ce qu’il y a de plus important parmi les actes soumis à une règle. Puisque les rites permettent de faire comme il convient les sacrifices au Ciel et à la Terre, à plus forte raison la règle qu’ils produisent pourra-t-elle s’appliquer à toutes les autres choses de l’univers.
  3. Les rites et la musique produisent visiblement dans le cœur de l’homme les mêmes effets d’ordre et d’harmonie que les mânes et les dieux produisent d’une manière invisible dans l’univers.
  4. En d’autres termes, les rites et les musiques peuvent être différents en apparence tout en restant foncièrement les mêmes, puisque, sous des formes autres, ils ont le même effet qui est de produire le respect et l’affection ; c’est ainsi que les anciens souverains se sont transmis les uns aux autres ce qui est essentiel dans les rites et la musique, quoiqu’ils aient observé des rites qui variaient suivant l’époque à laquelle ils vivaient, quoiqu’ils aient appelé leurs musiques de noms qui variaient suivant le mérite que ces musiques étaient destinées à célébrer. Ainsi Yao donna l’empire à Choen et Choen le donna à Yu, tandis que T’ang le victorieux chassa Kie et que le roi Ou vainquit Tcheou ; ces conduites, diverses en apparence, étaient inspirées par un même sentiment de respect. Ainsi encore la musique de Yao s’appelait ta tchang ; celle de Choen s’appelait ta chao ; celle de Yu s’appelait ta hia ; celle de T’ang s’appelait ta hou ; celle du roi Ou s’appelait ta ou ; mais ces musiques, dont les noms étaient appropriés aux mérites divers de ces souverains, concouraient toutes à produire une affection mutuelle entre les hommes.