Page:Sima qian chavannes memoires historiques v3.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

arrivé au roi Li[1], de la dynastie Tcheou, il ne lui est jamais arrivé de ne pas abandonner son livre en disant avec un soupir :

— Hélas ! maître Tche avait vu cela [2] !

Quand Tcheou fit des bâtonnets d’ivoire[3], le vicomte de Ki s’en affligea ; quand la conduite des Tcheou cessa d’être bonne, les poètes prirent pour thème les nattes sur lesquelles on se couche et (l’ode) Koan-ts’iu[4] fut

  1. C’est après la fuite du roi Li à Tche (cf. tome I, p. 274) que commence en 841 la régence kong-ho ; comme Se-ma Ts’ien ouvre son tableau à cette date, il est naturel qu’il appelle dès le début l’attention du lecteur sur l’époque du roi Li’’.
  2. Tche était grand maître de la musique dans le pays de Lou ; M. Legge (Chinese Classics, vol. I, p. 201, note et vol. IV, Prolégomènes, p. 6, note) croit qu’il était contemporain de Confucius, mais cette opinion est sujette à controverse. Ce qui est certain, c’est que Tche passait pour avoir merveilleusement compris certaines odes du Livre des Vers (cf. Luen yu, chap. VIII, § 15). La réflexion de Se-ma Ts’ien me paraît avoir le sens suivant : maître Tche avait vu les systèmes chronologiques qu’on édifiait sur le tch’oen-ts’ieou, mais il n’avait point donné son avis à leur sujet ; en effet, maître Tche ne s’était occupé que des poésies ; or comme l’historien va le rappeler lui-même quelques lignes plus bas, on cessa de composer des poésies à l’époque du roi Li, parce que le souverain avait interdit sous les peines les plus sévères toute critique ; Se-ma Ts’ien regrette donc qu’un juge éclairé, comme l’était le maître de la musique Tche, ait dû garder le silence sur tous les temps qui s’écoulèrent à partir du roi Li’’.
  3. Lorsque Tcheou, dernier souverain de la dynastie Yn, se servit pour manger de bâtonnets en ivoire, le vicomte de Ki (cf. tome I, n. 03.229) ne craignit pas de blâmer cette luxueuse extravagance. — Se-ma Tcheng croit que l’expression désigne, non pas des bâtonnets en ivoire, mais une coupe en ivoire, il est certain que cette interprétation conviendrait mieux pour expliquer le propos qui est attribué au vicomte de Ki : « Celui qui fait une coupe en ivoire ne manquera pas de faire une tasse en jade ».
  4. L’ode Koan-ts’iu est la première de la section Kouo-fong du Che-King ; on voit, par ce texte, que Se-ma Ts’ien lui attribue une tendance satirique et la rapporte à l’époque de la décadence des Tcheou ; en cela, l’historien est d’accord avec les autres écrivains de l’époque des Han (cf. Legge, Chinese Classics, vol. IV, p. 5, 1e colonne, lignes 13-20). Cependant, l’opinion qui a prévalu plus tard parmi les commentateurs du Che King veut que cette ode soit de l’époque du duc de Tcheou et qu’elle n’ait rien de satirique. — L’ode Koan-ts’iu célèbre les vertus d’une femme ; c’est ce que donne à entendre Se-ma Ts’ien quand il dit que le poète a pris pour thème « les nattes sur lesquelles on se couche ».