Page:Sima qian chavannes memoires historiques v3.djvu/66

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Lorsque Ts’in se fut proclamé empereur, il s’irrita de ce que les guerres[1] ne prenaient jamais fin et estima que la cause (de cet état de choses) était l’existence de la féodalité ; dès lors il ne laissa plus en fief un seul pied de terre ; il renversa et détruisit les remparts renommés ; il fit fondre les armes et les pointes de flèches ; il enleva comme de mauvaises herbes les hommes hardis et les tyrans ; il n’avait d’autre souci que d’assurer le calme à dix mille générations.


Cependant, une destinée royale[2] apparut dans la ruelle d’un village ; une ligue du nord au sud fut constituée pour punir et pour combattre ; les trois dynasties furent alors surpassées. Les interdictions[3] prononcées par Ts’in furent précisément ce qui fournit à un sage les moyens de balayer et de chasser toutes les difficultés. Ainsi, le déchaînement de l’indignation fut ce qui créa un maître de l’empire. Comment dirait-on encore que « celui qui n’a pas de terre ne règne pas[4] » ? C’est dans ce cas qu’il faut spécialement appliquer l’expression de « grand saint ». Comment n’y aurait-il pas eu là (une

  1. Littéralement : les armes offensives et les cuirasses.
  2. Celle de Han Kao-tsou. C’est à ce souverain que Se-ma Ts’ien fait encore allusion dans les lignes suivantes, lorsqu’il parle d’« un sage » et d’un « grand saint ».
  3. La suppression de la féodalité et la destruction des armes de guerre.
  4. Confucius, quoique sage, ne régna pas, parce qu’il ne possédait pas un royaume ; d’une manière générale, la sagesse ne suffit pas à conférer le pouvoir temporel à celui qui la possède. Se-ma Ts’ien remarque cependant que cette maxime souffre des exceptions ; le fondateur de la dynastie Han en est un exemple.