Page:Sorel - Corso fleuri.djvu/11

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Les lignes de cyprès, souvent inclinées par le mistral, en protégeaient les abords et, dans les lointains, à travers une échancrure des collines, étincelait le désert de la Crau. Par les jours éclatants de soleil, une vapeur bleutée s’exhalait du sol ; les fenêtres des fermes miroitaient ; les roseaux, qui défendaient les semis contre les intempéries du vent, se doraient sous la chaleur des rayons ; le ciel, d’une limpidité uniforme, se confondait avec l’espace, tandis que, dans les campagnes, le cours glauque des canaux coulait avec lenteur.

La place, avec son kiosque à musique, entourée de maisons blanches, précédées de leurs jardins, où un palmier somnolait auprès d’une vasque de pierre, le boulevard, bordé de platanes, profilant sur la chaussée aveuglante leurs ombres nettes, étaient l’orgueil de la cité ; les magasins témoignaient de sa richesse et, le jour du marché, les terrasses de café regorgeaient de clients. Parfois, une charrette de paysan, attelée d’une mule têtue, arrivait au son de joyeux grelots, mais ces antiques véhicules paraissaient piteux auprès des automobiles qui cinglaient l’espace et disparaissaient dans les flocons épais de la poussière grise.

Encore que Mme Lebardec n’eut plus guère de proches parents, elle se sentait attirée par le charme du souvenir et M. Lebardec, bien qu’un