Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/95

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défendue par des fossés et des barrières, ornée d’arcs de triomphe, retentit du bruit de cent instruments ; parfumée d’huile d’aloès noir et d’eau de santal, parée de festons et de guirlandes, remplie de tentures éclatantes, de gradins commodes, de sièges dorés, de trônes splendides, elle s’ouvre à cette foule de souverains, semblables par la puissance et la bravoure et mutuellement animés par la jalousie : les Pândavas s’y asseient à l’écart. Au bout de seize jours de réjouissances, Draupadî apparaît, sortant du bain, vêtue pompeusement, couverte de pierreries, ayant sur la tête un diadème d’or ; un sacrifice est offert, suivant les rites, par le pourohita ou chapelain de la famille royale ; la musique joue ; les tambours battent : puis le frère de la princesse, le vaillant Drichtadyoumna, indique l’épreuve proposée. Il montre un but placé assez haut, des flèches, un arc si dur qu’il est presque impossible de le ployer ; il s’agit de percer ce but de cinq traits acérés : celui qui, d’ailleurs, noble, beau et fort, aura réussi à le faire, obtiendra immédiatement la main de Draupadî. Ensuite il énumère à sa sœur tous les chefs qui sont assis dans cette assemblée, avec leur généalogie et leurs exploits ; c’est un dénombrement digne de l’Iliade, de même que l’épreuve de l’arc rappelle un des incidents les plus fameux de l’Odyssée.

Les rivaux se lèvent, se groupent, s’empressent : tous les dieux du ciel sortent de leur demeure pour assister à la lutte ; car, chez Vyâsa comme chez Homère, le monde divin et le monde humain sont en communication perpétuelle ; Krishna et Râma sont dans le nombre et regardent d’un œil favorable les descendants de Yadou, les héritiers de Pândou. L’épreuve commence : tous les chefs, décorés de tiares et de colliers, de bracelets et de ceintures, pleins d’adresse et d’énergie, s’épuisent en vains efforts et sont obligés de s’arrêter hors d’haleine. Seul, Karna, l’enfant de Kounti et du Soleil, allait triompher sans doute, lorsque la fière Draupadî s’écrie : « Je ne choisirai jamais cet homme de naissance équivoque ! »