Page:Straeten - Voltaire musicien, 1878.djvu/14

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cin , quand la main a quitté les touches1 ; une autre , à propos d’un esprit plié aux belles lettres , lequel , à l’en croire , fonctionne sans peine et sans effort , « comme la main du musicien se promène sans fatigue sur un clavecin. » Mme la marquise du Chàtelet en tirait une sonorité admirable ; elle chantait aussi, en s’accompagnant, d’une façon supérieure. Jeune et belle, on la fêtait, on la recherchait partout avec empressement. Devenue célèbre par son esprit et par sa science, elle avait consenti à prendre retraite avec l’auteur de Zaïre , qui était ravi de trouver en elle , outre les charmes de son sexe , toutes les qualités de raison et de caractère, que renforçaient encore un amour insatiable de l’étude. De là cette liaison fameuse qui ne devait se briser qu’à la mort.

Aux dîners, aux réceptions, la voix enchanteresse de la « divine Émilie » s’épanchait en mélodies suaves, tandis que ses doigts faisaient jaillir mille harmonies attrayantes. On peut s’en rapporter, sur ce point, à Mme de Graflîgny, qui affirme que la marquise excellait comme musicienne , et possédait , comme virtuose, un organe vraiment céleste2 . Infatigable, une fois piquée au jeu, elle chantait « après souper, un opéra entier. » Son répertoire étendu lui permettait d’ailleurs de choisir avec tact l’air marquant de l’opéra préféré ou les couplets appropriés à La circonstance. Voltaire, qui avait une véritable passion pour cette femme mi-badine, mi-sérieuse , a dû se croire en imagination dans le monde des fées.

Si ces fées, dont quelques-unes apparaîtront un peu plus prosaïquement ici , donnaient de si ravissantes illusions à

1 Voyez le chapitre : Locutions.

2Vie privée de Voltaire et de Mme du Châtelet, 1820, etc. Paris.