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Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/128

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N’était-ce pas la peur de passer pour dupe des sentiments que j’éprouvais ? la crainte d’aimer à faux ? Aussi, en concentrant à l’avenir ma vie dans l’adoration des réalités, que pouvais-je risquer ?

La nature est si riche, si féconde, si inépuisable, que mon admiration devait encore être au-dessous des merveilles que la création prodigue.

Sur quoi désormais ma défiance pouvait-elle d’ailleurs s’exercer ?

Le parfum d’une belle fleur ne trompe pas, les splendeurs d’un magnifique paysage ne trompent pas… la beauté exquise des formes ne trompe pas ; et puis quel intérêt, quelle arrière-pensée supposer à la fleur qui embaume l’air ? à l’oiseau qui chante ? au vent qui murmure dans les feuilles ? à la mer qui baigne le rivage ? à la nature enfin qui déploie tant de trésors, tant de couleurs, tant de mélodies et tant de parfums ?

Sans doute je resterai seul pour jouir de ces merveilles, me suis-je dit ; mais, je l’avoue, la solitude me plaît. J’ai en moi un profond sentiment du beau matériel qui pourra suppléer peut-être à la croyance au beau moral, dont je n’ai pas sans doute l’intelligence.