Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le troisième jour depuis notre départ de Khios, survint un singulier incident très-puéril en apparence, mais qui eut… mais qui devait avoir une bien étrange influence sur ma destinée…

Madame de Fersen avait une petite fille de six ans nommée Irène, pour laquelle elle témoignait un amour qui semblait aller jusqu’à l’idolâtrie.

Il était impossible de rêver quelque chose de plus accompli, de plus idéal que cette enfant.

Elle était d’une beauté sérieuse et grave ; bien des mères, je le crois, eussent préféré pour leur fille une figure plus enfantine et plus riante ; car, je l’avoue, je ne pouvais moi-même quelquefois échapper à un ressentiment de tristesse, en contemplant cet adorable visage, qui exprimait une mélancolie indéfinissable et incompréhensible pour un âge encore si tendre.

Le front d’Irène était vaste, saillant ; son teint hardiment pâle, car ses joues fermes et rondes annonçaient une santé florissante. Ses cheveux châtain-foncé, très-abondants, très-fins et très-soyeux, bouclaient naturellement autour de son col ; ses yeux fort grands, d’un noir humide et velouté, avaient un regard d’une singulière profondeur, surtout lorsque, par cette faculté na-