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Page:Sue - Arthur, T4, 1845.djvu/54

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pensée de se concentrer dans le souvenir de celui qu’elle a remarqué, et de qui elle s’exagère encore le charme par ce lointain mirage. Et puis une femme trouve une sorte de jouissance fière, triste et mystérieuse dans l’amertume de ses regrets solitaires : elle méprise les indifférents, car ils occupent inutilement près d’elle une place qu’elle voudrait voir si précieusement remplie ; et elle hait les empressés, parce qu’ils ont la lâcheté d’être là tandis que le préféré n’y est pas…

Mais, souvent aussi, l’absence c’est l’oubli… Car certains cœurs sont comme les miroirs : ils ne réfléchissent que les objets présents.

Je me crus donc entièrement oublié de madame de Fersen. Comme cet événement cruel était entré dans mes prévisions, s’il me causa une douleur profonde, au moins ne m’étonna-t-il pas.

Dans le paroxisme de mon désespoir, je formais mille projets. Je voulais secouer ce chagrin, me livrer à toutes les dissipations de la vie, chercher d’amoureuses distractions dans une autre liaison ; mais il faut bien du temps, bien de la volonté, pour qu’un cœur profondément épris puisse changer d’amour.

Lorsqu’ils se savent aimés, et qu’ils possè-