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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

missionnaire pour le peuple des campagnes, le même qui institua le séminaire de Saint Sulpice à Paris. La légende rapporte que M. de la Dauversière et M. Olier, qui ne s’étaient jamais vus et qui ignoraient les projets l’un de l’autre, se reconnurent spontanément. M. Olier avait été attiré à Paris par l’évêque de Châlons-sur-Marne, qui le pressait d’accepter son siège épiscopal ; c’étaient le père de Condren, général de l’Oratoire, et saint Vincent de Paul qui conduisaient les négociations à ce sujet. Le missionnaire hésitait, parce qu’il se croyait destiné plus particulièrement à contribuer à la conversion des sauvages. Il pencha tout-à-fait de ce côté lorsque le père de Condren, son directeur, lui dit qu’il fallait renoncer à l’épiscopat[1]. »

M. Olier regardait cette rencontre comme miraculeuse en quelque sorte, « et se tenait pour si assuré du succès du dessein de Montréal, qu’immédiatement après, et avant même d’avoir encore acquis un pouce de terre dans cette île, il songea à envoyer sans délai, en Canada, divers objets de première nécessité pour les hommes qu’il avait résolu d’y faire passer l’année suivante. » Cet envoi n’eut lieu que l’année 1640.

Nous empruntons à la Vie de M. Olier, par M. l’abbé Faillon, les notes qui suivent : D’une famille illustre dans la magistrature et dans la guerre, Jacques Olier de Verneuil, membre du parlement de Paris, avait été secrétaire du roi Henri iv, intendant à Lyon (vers 1625), puis promu à la charge de conseiller d’État, ce qui l’avait fait retourner à Paris. De sa femme, Marie Dolu d’Ivoi, était né dans cette ville, le 20 septembre 1608, son fils Jean-Jacques ci-dessus, qui eut pour guides spirituels d’abord saint François de Sales, ami de son père, ensuite saint Vincent de Paul. Après un voyage à Rome (1629), le jeune Olier reçut la prêtrise, à Paris, le 21 mars 1633, et, comme il avait été nommé abbé de Pébrac en Auvergne, il se livra, dans cette province, à des prédications qui eurent un immense succès. Une maladie le ramena dans sa famille. De 1642 à 1652, il fut curé de la paroisse Saint-Sulpice de Paris. Sa carrière, semée des plus nobles œuvres, fut couronnée par une sainte mort en 1657.

Le baron de Renty et deux autres personnes recommandables s’associèrent bientôt à M. de la Dauversière, de Fancamp et Olier. Nous en parlerons plus loin. « L’union n’aurait pas longtemps duré si elle n’avait été entre des personnes pieuses détachées du siècle et entièrement dans les intérêts de notre Seigneur, d’autant que cette association se devait faire sans espoir de profit. » Ce fut le noyau de la Société de Notre-Dame de Montréal[2].

Les associés ouvrirent des négociations avec le seigneur de l’île de Montréal ; mais avant que de les avoir vu réussir, ils expédièrent à Québec (printemps de 1640), aux soins du père Le Jeune, « vingt tonneaux de denrées, outils et autres choses, afin qu’il prît la peine de les leur faire conserver pour l’an suivant. » Ces vivres tinrent lieu du secours que la compagnie des Cent-Associés avait négligé de fournir à Québec, selon la déplorable coutume de toutes les compagnies marchandes[3].

  1. Dollier de Casson : Histoire du Montréal, 12, 13, 14 ; Faillon : Histoire de la colonie, I, 382-5, 391.
  2. Dollier de Casson : Histoire du Montréal, 10 ; Faillon : Histoire de la colonie, I, 392.
  3. Dollier de Casson : Histoire du Montréal, 16 ; Relation, 1642, p. 36 ; Faillon : Histoire de la colonie, I, 378, 391.