Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/108

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tudes que laisse cette croyance, la résignation confiante aux mains d’un Dieu juste et bon. C’est par cet ordre exact qu’une énumération est puissante. Ainsi construite, elle laisse dans l’esprit un plaisir tranquille et une croyance sereine  ; nous avons passé si aisément et si naturellement d’un point à l’autre, qu’il nous semble que nous sommes dans la vraie route, et nous nous abandonnons désormais à la sage main qui nous a si bien guidés jusqu’ici.

Je le demande, quelle puissance a enseigné tout cela à tant de milliers d’hommes dans l’ancien monde, avant la venue de Jésus-Christ, sinon cette lumière naturelle qu’on traite aujourd’hui avec une si étrange ingratitude  ? Qu’on le nie devant les monuments irréfragables de l’histoire, ou que l’on confesse que la lumière naturelle n’est pas si faible pour nous avoir révélé tout ce qui donne du prix à la vie, les vérités certaines et nécessaires sur lesquelles reposent la vie et la société, toutes les vertus privées et publiques, et cela par le pur ministère de ces sages encore ignorés de l’antique Orient, et de ces sages mieux connus de notre vieille Europe, hommes admirables, simples et grands, qui, n’étant revêtus d’aucun sacerdoce, n’ont eu d’autre mission que le zèle de la vérité et l’amour de leurs semblables, et, pour être appelés seulement philosophes, c’est-à-dire amis de la sagesse, ont souffert la persécution, l’exil, quelquefois sur un trône et le plus souvent dans les fers  : un Anaxagore, un Socrate, un Platon, un Aristote, un Épictète, un Marc-Aurèle !

Cette phrase a quinze lignes, et n’est point longue. Peu d’écrivains seraient capables aujourd’hui