Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/113

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Page 14. C’est un fait attesté par l’observation, que, dans cette même conscience où il n’y a que des phénomènes, il se trouve des notions dont le développement régulier dépasse les limites de la conscience et atteint des existences. Arrêtez-vous le développement de ces notions, vous limitez arbitrairement la portée d’un fait, vous attaquez donc ce fait lui-même, et par là vous attaquez l’autorité de tous les autres faits. Il faut ou révoquer en doute l’autorité de la conscience en elle-même, ou admettre intégralement cette autorité pour tous les faits attestés par la conscience.

Comprenez-vous ? Pour moi, il me semble que je trébuche dans un brouillard. Traduisons ; vous allez voir comment des obscurités naissent les équivoques, et comment des équivoques naissent les erreurs.

On appelle conscience la connaissance que nous avons de nos sensations, idées, jugements, peines, plaisirs, résolutions, et autres opérations ou événements intérieurs. Personne n’a jamais douté que cette connaissance ne fût vraie.

On appelle raison la connaissance des vérités universelles et nécessaires, par exemple : toute qualité suppose une substance ; tout événement suppose une cause. Quelques philosophes ont douté que cette connaissance fût vraie.

Un très-bon moyen de réfuter ces philosophes, serait de transformer les connaissances de la seconde espèce en connaissances de la première espèce, et de faire rentrer la raison contestée dans