Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/114

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la conscience incontestée. Au moyen d’une équivoque, M. Cousin opère ce miracle ; son raisonnement n’a l’air bon que parce qu’il est mal écrit.

Il change dans la première phrase le sens naturel du mot conscience. On ne peut pas dire que les phénomènes ou événements intérieurs soient dans la conscience ; ils sont l’objet de la conscience ; une sensation, un souvenir, ne sont pas dans la conscience ; la conscience ne contient pas ces opérations, elle les aperçoit. On ne peut pas dire non plus que les notions ou connaissances de la raison soient dans la conscience. Elle ne les renferme pas, elle les constate ; elle ne forme pas de jugements universels et nécessaires ; elle atteste que nous en formons ; ces jugements ne sont pas en elle comme des parties dans un tout ; ils sont devant elle comme un spectacle devant un spectateur. M. Cousin fait donc une faute de langue : et voyez comme il en profite. En disant que les axiomes et les notions de la raison sont dans la conscience, et font partie de la conscience, il leur attribue l’autorité et la certitude de la conscience ; comme la conscience a toujours passé pour infaillible, la raison, par contagion, devient infaillible. Un jeu de mots a fait l’affaire. Ajoutez-y des expressions vagues, et qui ont aussi un double sens, comme : limiter arbitrairement le développement d’un fait ; par ce moyen nous répandrons sur les yeux du