Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/121

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des défauts dans un orateur. Elles l’empêcheraient de trouver les raisonnements populaires ; elles l’éloigneraient du public. Il faut qu’il soit au-dessus du public, mais d’un degré seulement. On doit ressembler à ceux qu’on persuade : on n’entre dans leurs sentiments qu’en prenant leurs sentiments ; pour conquérir leur esprit, il faut se plier aux habitudes de leur esprit. Cette impuissance en philosophie est le propre de l’esprit oratoire. Elle est plus visible encore quand l’orateur est capable d’enthousiasme, quand il s’enivre du son de ses paroles, quand ses idées ailées, accourant par multitudes et toujours plus pressées, s’accumulent, tourbillonnent, le soulèvent et l’emportent, d’une course précipitée et aventureuse, à travers toutes les vérités et toutes les erreurs. C’est alors qu’il s’écrie, sauf à s’en repentir plus tard : « Le Dieu de la conscience n’est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire, relégué par delà la création sur le trône désert d’une éternité silencieuse et d’une existence absolue qui ressemble au néant même de l’existence ; c’est un Dieu à la fois vrai et réel, un et plusieurs, éternité et temps, espace et nombre, essence et vie, indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l’être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est-à-dire à la fois Dieu, nature et humanité. » Et combien