Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/150

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tresse, et l’entraîne vers le spiritualisme oratoire, dans lequel il s’est assis et endormi.

À l’École normale, M. Cousin fut d’abord destiné à la littérature. Une leçon de M. Laromiguière le charma et le jeta dans la philosophie. M. Royer-Collard le tira bientôt du sensualisme ; il connut M. de Biran, étudia les Écossais, lut Kant. Ce furent les sources de son premier enseignement.

Rien de plus naturel que cette première passion. Pour les gens d’imagination, à vingt ans, la philosophie est une toute-puissante maîtresse. Au sortir de la rhétorique, c’est un ravissement que de penser. On n’avait encore combiné que des phrases ; on croit pour la première fois créer des idées ; on plane sur le monde ; on remonte à l’origine des choses, on découvre le mécanisme de l’esprit. Il semble que tout d’un coup on se soit trouvé des ailes ; sur ces ailes nouvelles, on s’élance à travers l’histoire et la nature ; on touche à tout, on ne doute de rien, on croit à sa force, on n’est point inquiété par la réflexion, on n’est pas attristé par l’expérience ; on se porte et on s’élance tout entier, de tout son cœur et de toute sa force, à la conquête de la vérité. Quelle séduction ! Comptez celles-ci qui sont plus grandes encore. Il s’agissait pour M. Cousin de détruire la philosophie régnante ; philosopher était un combat. Fut-il jamais un attrait plus vif ? Quel plus grand plaisir que de