Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/151

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se battre ? Combattre, c’est se donner le sentiment de sa force, s’animer par la résistance, jouir du danger, rouler dans le torrent tumultueux de toutes les émotions contraires. Combattre, en philosophie, c’est, pour parler en jeune homme, mettre la couronne de la Victoire sur la tête de la Vérité. La nouveauté des doctrines, le courant de l’opinion publique, la naissance d’une littérature poétique, la grandeur mystique des théories sur l’infini et sur la raison éternelle, il n’en fallait pas tant pour pousser M. Cousin dans la philosophie. Et voyez comme il y fut retenu. Tour à tour vingt doctrines se présentèrent pour réveiller sa curiosité et nourrir son enthousiasme. D’abord les sensualistes, puis les Écossais commentés et développés par M. Royer-Collard, puis M. de Biran, ensuite Kant, bientôt Schelling et Hegel qu’il découvre, puis Platon, Plotin, Descartes, Leibnitz, qu’il retrouve. Ces diverses doctrines ont brillé tour à tour dans cette vive imagination, comme autant de lumières dans une lanterne magique, un peu confondues, un peu altérées, un peu transformées. De tout cela s’est formé l’éclectisme. On comprend maintenant le mot et la chose. Par lui-même, M. Cousin invente peu ou point ; mais il a besoin d’éprouver des émotions métaphysiques ; il ressent le plus vif et le plus poétique plaisir, lorsqu’il voit un système se former dans son cerveau, se développer et embrasser