Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/155

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l’Être absolu, substance commune et commun idéal du moi et du non-moi, qui ne se rapporte exclusivement ni à l’un ni à l’autre, mais qui les comprend tous deux, et en est l’identité. Cette identité absolue du moi et du non-moi, de l’homme et de la nature, c’est Dieu. Il suit de là que Dieu est dans la nature aussi bien que dans l’homme. » Et il ajoute : « Ce système est le vrai. » Phrase imperceptible qu’on peut retrancher sans rompre la liaison des idées, et dont il a cru qu’on n’apercevrait pas l’absence. On l’aperçoit ; et ce retranchement exécuté par l’auteur prouve tout ce que valent ces quatre mots. C’est qu’alors, en effet, Schelling avait déjà publié son écrit le plus net : Bruno ou de l’Unité absolue, et que, pour n’y point voir le panthéisme, il faudrait se crever les yeux.

M. Cousin employait alors un moyen ingénieux pour s’en défendre. Il donnait le nom de panthéisme à divers systèmes autres que celui de Schelling, et prouvait qu’il ne professait pas ceux-là. Il disait, par exemple[1] : Mettez en un tout les hommes, les animaux, les pierres, tous les êtres du monde, corporels ou incorporels ; si vous dites que ce monceau est Dieu, vous êtes panthéiste. — Ou bien encore : Supposez, comme les Éléates, que

  1. Fragments philosophiques, 4e édition, p. 65.