Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/162

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truisant. Condillac trouve une méthode d’analyse, et définit d’une façon nouvelle la nature des idées générales et des signes. Il écrit vingt ouvrages qui sont l’explication et l’emploi de cette méthode. Chaque année sa définition devient plus claire. Il finit par composer la Langue des calculs, son chef-d’œuvre, expression définitive de sa découverte, et meurt en achevant le premier volume. Un instinct intérieur et invincible pousse l’araignée à fabriquer éternellement des toiles ; une conformation d’esprit indestructible et toute-puissante contraint le philosophe à éclaircir et prouver sans cesse l’idée qu’il s’est faite de la science et de l’univers.

Au contraire, l’esprit de l’orateur est tout pratique. Cicéron a traversé la métaphysique des platoniciens et des stoïciens, mais il n’a fait que la traverser ; c’est que ces spéculations n’ont qu’une utilité médiocre, lointaine et douteuse. Il n’a guère étudié que la philosophie pratique, qui est la morale. Celle-là lui servira dans ses plaidoiries ; elle lui fournira la théorie du juste et de l’injuste ; elle élèvera son accent, elle ajoutera de l’autorité à sa parole, elle soutiendra son éloquence, elle lui conciliera son auditoire, elle le munira de phrases sublimes. Aussi supposez qu’un orateur, un beau jour, par entraînement, par imagination, par jeunesse, se soit trouvé panthéiste. L’âge le refroidit et le mûrit. Son ressort primitif, qui est le besoin