Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/163

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d’éloquence, peu à peu se relève. Un orateur aime le bon style. Le nôtre éprouvera du dégoût pour le style barbare et les effrayantes abstractions de Hégel. Un orateur aime à parler sur la vertu, et fait volontiers la leçon aux hommes. Le nôtre s’écartera insensiblement d’une philosophie qu’on accuse de confondre le bien avec le mal, et de justifier les crimes en les déclarant nécessaires. Un orateur se conforme volontiers au sens commun, et accepte pour gouverner les hommes les croyances qui gouvernent le plus grand nombre des hommes. Le nôtre prendra en aversion une métaphysique qui fait de Dieu non un roi et une personne, mais une loi abstraite et une force fatale, et qui remplace l’immortalité de l’individu par l’immortalité de la civilisation ou de l’espèce. Peu à peu il éprouvera de l’horreur pour ses anciennes opinions ; quand il relira ses propres livres, il ne voudra pas les reconnaître, il ne pourra se persuader qu’il ait professé une philosophie si « détestable. » Il supprimera sans le dire une phrase décisive ; il interprétera les autres comme il pourra ; il se réfugiera derrière l’obscurité des termes ; il fera croire au public qu’entre ses deux philosophies, il n’y a qu’une différence de style. S’il expose de nouveau sa doctrine, il ira chercher un de ses plus anciens cours, celui de 1817, pur de tout panthéisme, par cette excellente raison qu’à ce moment le panthéisme