Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/180

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substance à qualité, et tirer ainsi une vérité nécessaire d’une vérité contingente. Vous accordez vous-même qu’entre l’attribut ou qualité, et le sujet ou substance, il y a un rapport nécessaire. Puisqu’il y est, je puis l’y trouver ; si je le trouve, je puis l’en tirer. Sous ce mot jugement ou proposition, vous confondez donc deux choses distinctes, les termes et leur rapport. Vous raisonnez comme si le rapport était la même chose que les termes. Vous imposez aux termes une conséquence qui ne s’applique qu’au rapport, et vous arrivez à une conséquence fausse par un faux raisonnement.

Deuxième équivoque. Quand vous dites qu’il y a des vérités nécessaires, et que ces vérités étant un attribut supposent un sujet ou substance nécessaire en qui elles résident, vous prenez le mot vérité dans un double sens. « Il y a des vérités nécessaires : » dans ce membre de phrase, vérité signifie rapport, et vous voulez dire, avec tout le monde, qu’il y a des rapports nécessaires entre certains sujets et certaines qualités. « Ces vérités sont un attribut et supposent un sujet nécessaire[1] : » dans ce second membre vous entendez par vérité connaissance d’un rapport nécessaire et vous voulez dire qu’une connaissance nécessaire suppose un être connaissant, lequel existe nécessairement. La con-

  1. Du Vrai, du Beau, etc., p. 1.01. « Le sujet de la vérité est la raison universelle et absolue.»