Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/181

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séquence est très-bonne. Mais remarquez que pour la tirer vous avez confondu sous le mot vérité deux choses fort distinctes, une connaissance et un rapport. Le rapport du tout et de la partie existe dans le tout et dans la partie ; la connaissance de ce rapport n’existe ni dans le tout ni dans la partie, mais dans l’être intelligent qui connaît l’un et l’autre. Le rapport est une différence ou une ressemblance entre deux objets qui souvent ne pensent point ; la connaissance est l’action d’un être qui pense. Vous imposez au rapport une propriété qui ne convient qu’à la connaissance, et vous profitez ainsi d’une équivoque pour faire une pétition de principe. Ajoutez que cette conclusion fausse engendre des absurdités. Si « le sujet de la vérité est la raison universelle et absolue, » si les vérités nécessaires ne sont pas dans les choses[1], si elles sont des pensées de l’intelligence divine, j’aperçois des pensées de l’intelligence divine lorsque je les aperçois. Quand je remarque que quatre est le double de deux, ce n’est pas un rapport que je vois, c’est une idée, une idée d’autrui, une idée de Dieu ; c’est Dieu lui-même, car on ne voit pas une idée sans voir l’intelligence qui la produit. Si j’écris des formules d’algèbre pendant une heure, je vois Dieu pendant une heure. Ce gros mathématicien,

  1. Du vrai, etc., p. 68.