Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/182

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mon voisin, qui, la craie en main, s’amuse à chiffrer en fumant, l’air gai et l’esprit tranquille, contemple en ce moment cette intelligence immense qu’on ne peut concevoir sans stupeur. Proposition si énorme, si contraire à l’expérience intime, si violemment réfutée et à chaque minute parla conscience, qu’on ne comprend pas qu’elle ait pu entrer dans un cerveau humain.

Le lecteur voit que cette théorie se réduit à des fautes de langue. Quelqu’un disait : « La métaphysique s’occupe à souffler des ballons ; la grammaire vient, et les crève avec une épingle. »

Par quelle opération formons-nous ces jugements nécessaires et ces idées d’objets infinis ? Au lieu de faire des raisonnements, regardons des faits. Formons un de ces jugements et une de ces idées sous les yeux du lecteur ; il saura comment les uns et les autres se forment en les voyant se former.


II


Nous allons chez le gros mathématicien qui fume ; nous le saluons et nous l’abordons ainsi :

« Monsieur, nous sommes philosophes, c’est-à-dire fort embarrassés et à court. Il s’agit des propositions nécessaires. Si vous en connaissez, comment les découvrez-vous ?