Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/190

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ticien. Monsieur, secourez encore une fois la métaphysique. Si vous connaissez des objets infinis, comment les connaissez-vous ?

— Messieurs, rien de plus simple. L’infini entoure toute quantité. Dans les hautes mathématiques, on l’exprime, on le met en équation, on compare ses diverses formes, on le calcule, on s’en joue. Vous allez le voir dans un compte de cuisinière et dans une numération d’écolier.

La série des nombres est absolument infinie. Cela signifie que non-seulement nous n’apercevons pas la limite de cette série, mais qu’elle n’en a pas et ne peut en avoir.

Pour former l’idée de cet infini, je forme les idées de deux ou trois nombres. Soit 2, c’est 1 + 1. J’observe dans ce cas particulier que j’ai pu ajouter 1 à 1. Mais le second 1 est absolument semblable au premier. Je puis donc faire sur lui la même opération que sur le premier, et lui ajouter 1, ce qui donne 3. Ce troisième 1 a la même nature que les autres. De ces trois cas, je dégage par abstraction la conception de l’unité en général ; de cette conception je dégage encore par abstraction cette loi générale qu’une seconde unité tout à fait semblable à la première peut être ajoutée à la première. Cette loi engendre une addition éternelle. Il suffit de l’analyser pour apercevoir par abstraction cette addition parmi ses conséquences. Ici encore l’abs-