Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/195

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tirez par abstraction l’idée d’une étendue limitée quelconque. Vous avez maintenant l’idée générale d’étendue, et, par abstraction aussi, vous découvrez ce qu’elle contient. Ce qu’elle contient, c’est la loi suivante : toute étendue limitée peut être continuée par une seconde étendue limitée. Vous analysez cette loi, et vous trouvez que la seconde étendue a la même définition que la première, qu’ainsi elle est soumise à la même loi, que, par conséquent, elle engendre elle-même une nouvelle étendue, et ainsi de suite. Vous remarquez que si à un endroit quelconque cet accroissement n’était plus possible, la loi serait contredite. Dès lors vous avez l’idée de l’espace infini, puisque vous avez l’idée d’une étendue abstraite et purement possible, c’est-à-dire de l’espace, et que vous avez découvert en elle la loi génératrice de l’infinitude, et dans cette loi l’impossibilité de la limitation. Comptez vos pas. Vous avez employé l’expérience des sens ou de la conscience pour former l’idée d’un objet réel étendu. Vous avez employé l’abstraction pour isoler cette étendue et la considérer pure. Vous avez encore employé l’analyse ou abstraction pour découvrir en elle la similitude absolue de toutes les parties, et la propriété que possède une partie d’être continuée par sa voisine. Vous avez formé ainsi l’idée générale d’une partie quelconque. Analysant cette idée, vous en avez tiré la